Pendant les âges sombres, la cuisine - alors principalement composée d’une cheminée, d’une cuvette pour l’eau et d’une marmite - était mise à l’écart dans les sous-sols ou loin derrière les autres pièces de vie. C’était une pièce pour les servants, où l’on craignait aussi les départs d’incendies. C’était exclusivement un lieu de travail où les invités n’avaient aucune raison de mettre les pieds.
Son évolution se fait en grande partie avec l’apparition de nouveaux outils et de nouvelles techniques. L’un des premiers poêles à bois a été développé par François Cuvilliés, un designer français. C’était en 1735 et le nom de son invention est le poêle Castrol. On préfère ensuite les poêles à gaz, plus petits et plus légers, qui voient le jour notamment avec l’inventeur anglais James Sharp en 1826. Il faut attendre encore longtemps pour que la première cuisinière électrique voit le jour en 1890 avec la compagnie américaine Copeman Electric Stove, et son utilisation n’était pas aussi simple qu’avec les cuisinières d’aujourd’hui !
C’est avec la banalisation des réseaux d’eau et de gaz à la fin du 19ème siècle que la cuisine se modernise, car on y change les manières de fonctionner. Mais c’est surtout en 1926 qu’elle fait un bond énorme grâce à l’architecte Margarete Schütte-Lihotzky, lorsqu’elle travaille sur un projet d’habitat social à Francfort. Elle s’inspire alors du livre de Christine Frederick intitulé « New Household Management », publié en 1913, dans lequel l’écrivaine analyse l’espace de la cuisine avec les principes d’efficacité tayloriens : la division verticale du travail, la division verticale des tâches, et le chronométrage des tâches d’exécution. Margarete Schütte-Lihotzky conçoit donc une cuisine suivant un concept global et recherchant cette efficacité ; c’est la fameuse « cuisine de Francfort », une cuisine type qui va se multiplier en des milliers d’exemplaires dans les années qui suivent. Cette cuisine est volontairement étroite, afin de limiter le nombre de pas entre les différentes tâches. On y trouve les ingrédients dans des bocaux étiquetés et un tiroir à ordure afin que tout soit organisé. Tout était réfléchi : comme le fait que les meubles étaient peints en bleu pour faire fuir les mouches, que les bocaux pour la farine étaient en bois de chêne pour éloigner les vers, ou encore que les plans étaient en hêtre pour résister aux tâches…
Les technologies de nos jours permettent une plus grande liberté esthétique tout en restant pratique. De nouvelles matières constituées de résines acryliques comme FENIX NTM, ou bien le travail de pierre et de terre qui donne le granit, le Dekton et la céramique, et bien sûr l’inox qui est indétrônable dans les cuisines professionnelles, font partie des grandes évolutions de la cuisine.
C’est de la cuisine de Francfort que l’on tient les implantations diverses connues ; en I, en L, en U… Et c’est de là que son évolution fait un sprint vers la cuisine moderne. Ce travail et cette évolution en font progressivement un espace plus important dans une maison, surtout que les normes sociales ont beaucoup changées ! Les familles y passent du temps et elles s’y rassemblent. On s’y installe petit à petit afin d’y manger, à défaut d’utiliser la salle à manger. C’est pourquoi sont apparus de nos jours les ilots et les plans dits « snack » sur lesquels on s’installe pour boire un verre ou manger un bout : on décide de ne plus cacher la cuisine, et bien au contraire, les tendances veulent l’ouvrir sur le séjour et le reste de la maison. C’est un endroit convivial, d’échanges et de partages. On ne se limite plus à y cuisiner ; on y mange, on y discute, on y reçoit ses invités.
Alors pourquoi commencer par la cuisine lors d’un projet de rénovation ? Parce qu’elle a mérité sa place au cœur du foyer : c’est à partir d’elle que tout s’articule. Lorsque l’on installe une cuisine, on prévoit de la garder un certain temps ; il faut réfléchir à son implantation, son efficacité, et son esthétisme afin de s’y baser pour rénover par la suite les autres pièces et les espaces de circulation. Raison de plus pour ne pas acheter une cuisine comme on pourrait acheter un petit meuble. L’architecte d’intérieur conçoit la cuisine en même temps que l’espace. L’un ne va pas sans l’autre ; on ne peut pas simplement poser une cuisine dans une pièce et s’attendre à ce que tout se coordonne. L’architecte d’intérieur imagine une cuisine en gardant en tête la gestion des réseaux, le triangle d’activité, les espaces de passage, les hauteurs, le lien avec le cellier, les côtés pratiques et aussi le lien esthétique avec le reste de la maison. Par exemple, une cuisine peut se joindre au salon ou à la salle à manger avec des liens physiques pour créer un ensemble. On adapte les revêtements et les lumières pour que l’ensemble fonctionne parfaitement. Tant d’osmose fait plaisir aux pupilles !
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